Snobé par une partie de la critique qui le juge « mièvre », l’auteur originaire du Creusot laisse une empreinte sensible sur chacun de ses lecteurs, nombreux depuis le succès du « Très-bas » en 1992. Écrivain généreux et homme bon, l’écriture de Bobin est marquée par le sceau de l’enfance…
Rarement un écrivain aura été à la hauteur de son œuvre comme Christian Bobin…
Enfant retenu prisonnier par sa mère dans la cour de son immeuble du Creusot, il développa une familiarité hors norme avec ces « petits riens » qui formèrent son environnement : fleurs, feuilles, nuages, fissures… Comme si l’enfant faisait provision de ressources pour l’œuvre à venir…
Souvent taxé de « mièvre » par la critique littéraire – qui ne semble pas lui pardonner de rester fidèle à sa ville ouvrière et d’avoir acquis un lectorat assez diversifié – Bobin n’a pourtant rien d’un auteur à l’eau de rose. S’il confesse céder parfois à la facilité, c’est pour laisser libre cours à ses « visions », à l’élan enchanté d’un homme qui refuse le diktat de la conscience, jugée bien trop sérieuse. Voire mortifère…
S’il est un parfait connaisseur – et un admirateur – des philosophes et des auteurs du monde entier – des poètes Mandelstam ou Rûmî à l’œuvre de Cioran et de Pascal – Bobin les absorbe pour n’en garder qu’une loi : celle du cœur.
S’il n’est pas, à proprement parlé, un « écrivain engagé », l’auteur d’Autoportrait au radiateur n’en demeure pas moins extrêmement attentif à l’autre, l’humain, et à ce que la société capitaliste lui fait subir.
Aussi, quand le « moi » de l’écrivain déborde, l’homme ne tarde pas à le censurer pour mieux laisser place – la plus grande – au lecteur… Même s’il se défend de vouloir « réparer », les livres de Christian Bobin apaisent autant qu’ils questionnent. Un trait rare chez ses contemporains, et qui explique, pour une grande partie, son succès…
L’homme avait fini par quitter Le Creusot à la faveur de sa rencontre avec la poétesse Lydie Dattas, à la fin des années 90. Il trouva un refuge isolé – non loin de sa ville natale.
Là, il vivait dans le silence, parmi les chevreuils et les arbres. La porte de sa maison était ouverte. Si sa générosité et sa discrétion n’avaient pas inspiré le respect de sa solitude à ses lecteurs, combien auraient-ils été à venir frapper à sa porte ?
Pour en parler
- Lydie Dattas-Bobin, poétesse et épouse de Christian Bobin.
- Claire Tiévant, éditrice.
- Mohammed Taleb, philosophe.
- Yves Leclair, poète.
- Gilles Gontier, écrivain.
Extraits des œuvres lues de Christian Bobin : Dans la lumière du monde, Le Murmure, Prisonnier au berceau, Le muguet Rouge, Le Très-bas, Eloge du rien, Le colporteur, L’éloignement du monde et Le christ aux coquelicots.