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La musique indienne

La musique classique indienne – le râga

présentée par Ujjaya, musicien chaman

 

 

Ujjaya, musicien chaman, spécialiste de la musique classique indienne,

nous en explique dans cette vidéo ses fondements.

A quoi pense-t-on quand on dit la musique indienne ?

Aux festivités populaires ? Au cinéma indien ?

Aux mantras et kirtans ou aux charmeurs de serpents ?

On va parler ici de la musique classique indienne

dont la base est le râga.

C’est  une musique de méditation, qui mène vers le silence

et la paix de l’esprit. Dans son essence, elle crée une voie d’union

avec le Divin,  autant pour le pratiquant que pour l’auditeur.

Elle tient compte des énergies subtiles qui nous environnent et

élève les vibrations de chacun qui entre en contact avec elle.

Son histoire parsemée de légendes fantastiques nous fait entrevoir

sa puissance et elle est l’une des rares musiques traditionnelles

à s’épanouir au 21ème siècle.

 Les origines

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On repère la trace de la musique indienne classique dans les

premiers textes sacrés de l’Inde, les Védas mis par écrit

il y a 5000 ans, mais compte tenu de la tradition orale

elle est beaucoup plus ancienne.

La musique accompagne les rites védiques, les pujas, depuis toujours. C’est elle qui donne la puissance à la parole rituelle.

L’un des quatre textes fondateurs, le Samaveda, est consacré

entièrement aux hymnes, aux rythmes et à la musique védique.

De nos jours, sur les rives de Bénarès, c’est le  Samaveda

que psalmodient encore les brahmanes (prêtres védiques).

On peut dire de la tradition védique et

de la voie du Sanatana Dharma

que c’est d’abord une théologie du son.

Il y a environ 2000 ans les Natya Shastra, écrits par Bharata, codifient les arts et la musique.

À partir du  17ème siècle, à cause des invasions musulmanes et

de leur influence, la musique du Nord de l’Inde deviendra

différente de celle du Sud de l’Inde.

La musique Hindousthani, la musique du Nord,

accueillera des influences Perses.

Elle est plus libre et permet au soliste de grandes improvisations.

La musique Carnatique, la musique du Sud,

paraîtra à l’oreille occidentale plus gaie.

Elle est plus codifiée, permettant de donner des variantes

d’un thème fixé suivi d’un solo plus court.

 Sarasvati – Om – Shiva

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Sarasvati est une énergie qui dans les textes anciens est toujours liée à la sagesse, la connaissance, la grammaire, la musique, les arts. « Saras » veut dire “parole” en sanskrit.

Sarasvati est représentée avec les quatre bras.

Chaque bras symbolise un outil pour la personne en apprentissage :

le mental, l’intellect, l’enthousiasme et l’ego.

Par ailleurs, ses quatre bras font référence aux quatre Védas :

Rigveda, Yajurveda, Samaveda, Atharvaveda.

Cette énergie, Sarasvati, est la source de laquelle émergent

des Védas. Elle est aussi considérée comme l’un des aspects

de l’Energie Primordiale Adi Shakti car le son est considéré

comme l’élément d’où naît l’Univers entier.

Le son primordial, appelé le Pranava est le fameux Om / Aum.

C’est le Om qui donne naissance au premier point matériel,

le bindu, d’où se déploieront tous les principes universels et

les 5 éléments du plus subtil au plus grossier :

l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre.

En amont, il est précédé par un Silence transcendant

et omniprésent, qui est symbolisé par Shiva.

 La voix conditionne la musique

 Le premier instrument de la musique classique indienne est la voix, donc tous les instruments tenteront de près ou de loin d’imiter la voix. On fait une large utilisation des glissando et des tirés de corde (notamment dans le sitar) pour obtenir la continuité de son que présente le chant. Les notes sont liées les unes aux autres et on ne saute jamais d’une note à une autre note éloignée.

Paradoxalement si la voix est l’instrument phare, c’est la mélodie et non pas le texte qui est tout puissant, comme le rappelle un mythe védique où s’affrontent les dieux qui possèdent la mélodie et les démons qui possèdent le texte.

Les notes / svaras et shrutis

La musique indienne s’appuie sur les 7 notes qui correspondent

aux 7 chakras (centres énergétiques du corps humain).

Ces notes sont appelés svaras.

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Leurs noms sont différents des noms occidentaux :

SA :   shadja      (DO)  Muladhara     1er chakra

RI :    rishabha    (RÉ)  Svadhisthana  2ème chakra

GA :   gandhara    (MI)  Manipura      3ème chakra

MA :   madhyama  (FA)  Anahata       4ème chakra

PA :    panchama  (SOL) Vishudha       5ème chakra

DHA :  dhaivata   (LA)   Ajna           6ème chakra

NI :    nishada    (SI)   Sahasrara     7ème chakra

Mais en plus des svaras, la musique indienne se base

sur des micros tons, les shrutis,

qui lui confèrent une très grande précision.

La gamme / râga

  La musique indienne est dite modale. Elle est jouée sur une note de base constante, dans une gamme constante. Cette gamme, rendue vivante par le musicien, constitue le râga,

un ensemble de notes capables de restituer une saveur dite rasa.

Le râga est composé au maximum de neuf notes,

au minimum de cinq. 

Les mélodies qui utilisent un nombre plus grand de notes sont des mélanges de modes, et les phrases de moins de cinq notes

ne sont que des figures mélodiques.

Les gammes présentent souvent des différences

en montant et en descendant.

Chaque râga sera toujours caractérisé par une note prédominante autre que la tonique mais parfois confondue avec elle.

Cette note sera employée plus fréquemment que les autres.

Elle est toujours accentuée et sert de point de départ

aux variations mélodiques qui finissent sur elle.

Cette note est appelée vâdi (parlante).

On dit qu’elle est le roi de la mélodie.

Le râga est introduit par une partie non rythmée l’alap,

avant de s’accélérer. Les parties rythmiques sont complexes

et s’étendent pour le rythme de base sur 16 temps

dit teental (le rythme de Ganesh).

La durée d’un râga peu varier de 10 minutes à 3-4 heures.

Vu que les différentes notes touchent les différentes vibrations

en nous et dans l’ Univers, chaque râga est lié à

une heure, une saison, un élément ou une famille d’émotions.

Nombreuses histoires courent sur les musiciens légendaires

qui avec râga Deepak  produisent de la chaleur ou du feu,

et avec râga Miyan Malhar font venir la pluie.

Le râga est considéré comme un être indépendant

dont le musicien n’est que le médium.

C’est une force spirituelle transmise aux auditeurs via le son.

 Les instruments

*

 Le tampura est l’instrument qui donne les notes de base du râga

et fournit un halo sonore ondulant typique de la musique indienne.

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Le bourdonnement des cordes est accru par le passage d’un fil

de coton entre le cheval et et les cordes.

Cet instrument est en principe joué par le disciple préféré

du maître. Le tampura se présente comme un sitar sans fret.

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Le sitar est généralement muni de cinq cordes mélodiques métalliques, d’une ou deux cordes métalliques servant aux variations rythmiques en bourdon.

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De neuf à treize cordes métalliques sympathiques

sont placées sous les frettes dans le manche.

Ces cordes ne sont pas jouées mais accordées sur le râga,

elles participent aussi dans ce halo sonore,

accroissant la sensation de réverbération.

*

La veena (ou vina) était l’instrument  à corde phare de

la musique indienne avant d’être détrôné aux 16ème siècle

par le sitar au nord de l’Inde.

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Il est de nos jours principalement un instrument

du Sud de l’Inde. Il est constitué de 4 cordes jouées sur le

manche et 3 cordes rythmiques sur le côté.

C’est l’instrument que la déesse des arts et des sciences,

Sarasvati,

tient toujours dans les mains sur ses représentations.

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Il existe des instruments à cordes frottés :

l’antique sarangi et le plus récent dilruba

qui reprenent le manche du sitar.

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Ces deux instruments possèdent de nombreuses cordes résonnantes

responsables de leur sonorité quasi cosmique

alors que la caisse de résonance est assez petite.

*

Les tablas sont  joués au sol  et sont composés d’une percussion grave à gauche, le bayan, et aiguë à droite, le dayan.

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Les tablas sont joués aux doigts et à la paume.

Ils demandent une technique de frappe extrêmement précise

et sont accordés sur le râga.

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Le mridangam est une percussion biface,

il est l’ancêtre des tablas.

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Il reste de nos jours la première percussion

de la musique du sud de l’Inde (musique Carnatique).

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Le bansuri est une grande flûte traversière en bambou.

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La taille de la flûte correspond à la gamme de notes.

C’est probablement le plus ancien instrument

de musique de l’Inde du nord.

C’est Krishna qui est souvent représenté avec le bansuri

en signe du fait qu’un chercheur spirituel

doit ressembler à une flûte :

ne pas avoir d’obstacle de l’égo à l’intérieur de lui

pour que le chant divin s’exprime à travers ses actions et paroles.

Le shehnai, une flûte à cornet, appartient  à la même famille.

*

L’harmonium portatif à soufflet,

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hérité des grands harmoniums d’église anglaise, est un instrument

indispensable dans les bhajans mais il ne correspond pas

à la hauteur juste des notes variables rencontrées

dans les divers râgas.

En général ces instruments, faits avant tout pour être joués dans des sanctuaires ou des salons, ont un niveau sonore tout à fait modéré. L’arrivée de l’amplification et de l’enregistrement, au début du 20ème siècle, à permis à cette musique de se maintenir et de se diffuser sous forme des grands concerts.

Les styles

 Le dhrupad est le style le plus épuré,

sophistiqué et complexe de la musique indienne.

On l’appelle parfois « la peinture avec des notes ».

dhruva signifie fixe, permanent comme l’étoile polaire,

et pada le texte poétique.

Le poème chanté est parfois divisé en quatre parties appelées

sthayi, antara, samchari et abhoga et qui sont centrées

sur différentes parties de la gamme du mode.

Le sujet des poèmes est l’ivresse de l’amour divin

et ses merveilleux effets sur le cœur humain.

dhrupad était chanté et joué à l’origine dans les temples

face aux icônes dos au public.

Ce style se développe sous l’impulsion de Râjâ Man Singh et

à la cour de l’empereur Akbar. C’est un style austère qui privilégie

les râgas profonds (Todi, Kafi).

Il n’est légèrement rythmé que sur la fin.

Le khyal est un style vocal, dit semi classique,

qui privilégie la virtuosité.

Le khyal se base sur un répertoire de chants courts,

de deux à seize lignes.

Le chanteur ou l’instrumentiste utilise

ces chants, qui font en quelque sorte office de refrains,

comme un matériau de base pour l’improvisation.

Une exécution typique de khyal combine trois parties :

un alap (introduction sans accompagnement rythmique),

il est suivi par les gats (compositions rythmées)

et puis le drut (une partie rapide).

Le thumri est un style semi classique aimable, tendre et léger, chanté principalement par les femmes,

surtout les filles de joie autrefois.

Au format plus court il privilégie les râgas légers :

Khammâja, Kafi, Pilu, Mand et leurs dérivés.

Le poème des thumris est toujours un poème d’amour,

il recherche la grâce et l’élégance dans la forme

mélodique et emploie beaucoup de glissando.

Ce style présente une sorte de lien entre la musique savante

et la chanson populaire, simple et émotive.

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 Comment la musique  s’enseigne-t-elle en Inde ?

  Pour apprendre la musique le disciple est amené par ses parents dans la maison du maître pour y vivre.

Il s’acquitte des tâches domestiques et c’est en passant

du temps en présence du maître

qu’il s’imprègne de sa shakti (l’énergie, le don).

L’enseignement a lieu d’abord par l’exemple et il se poursuit

pendant plusieurs années. À la fin de sa période d’apprentissage,

l’élève fait un cadeau somptueux à son maître car il ne paye pas

ses études avec de l’argent. Même devenu autonome, le disciple

revient fréquemment vers son maître qu’il consulte pour

toutes les affaires importantes.

Actuellement, à cause des conditions économiques, l’enseignement commence à se rapprocher du système de conservatoire européen mais l’aspect spirituel persiste. Cet aspect est si important

que le maître de musique est conçu comme un maître spirituel.

La tradition védique affirme que l’on ne peut réellement

l’apprendre hors du cadre de relation

maître – disciple (le guru – shishya parampara).

L’énergie du maître, sa parole et le son de son instrument 

transmet l’influx subtil et la guidance spirituelle à son disciple.

C’est cette force spirituelle qui sera transmise par la suite

aux auditeurs par le musicien.

“L’espace est son siège, l’ouïe son domaine, le mental sa lumière.

Quiconque connaît cet esprit qui transcende toutes les âmes,

celui-ci en vérité, Ô Yajnavalkya, possède la vraie connaissance,

celle qui permet la maîtrise des mondes. 

Je connais cet esprit dont tu parles Vidagdha Sakalya.

C’est l’expression ultime de toute âme,

c’est l’esprit du Son, de l’Echo.” Upanishad

Cet article a été préparé par le musicien chaman,

spécialiste de la musique indienne et ambiante,

Ujjaya.

 

émission radiophonique du 23 février 2016 enregistrée à l’occasion
de la programmation d’une “sieste musicale” avec Ujjaya
à la Médiathèque Musicale de Paris.
 

Ujjaya, musicien d’ethno ambient

d’origine malgache,

dont la musique se nourrit

des doctrines de l’Asie et du chamanisme,

nous invite à découvrir en téléchargement gratuit

trois de ses albums :

“De Retour”,

“Le Maître Des Carrefours” ,

“What We Know About The Unexpected”

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