Les voyages,
une pratique spirituelle
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L’aventure commence Dans le souffle du volcan
Les chants de l’errance La colère d’Hélios
L’éternel retour
Neuf jours durant nous naviguâmes jour et nuit ;
le dixième jour déjà parut la campagne natale,
et nous apercevions les hommes et les feux tout près…
Alors, le doux sommeil m’envahit, j’étais épuisé,
ayant toujours tenu le gouvernail, le refusant
aux autres pour que nous fussions plus tôt rendus.
Et cependant, mes compagnons parlaient tous à la fois,
affirmant que je rapportais de l’or et de l’argent,
cadeaux d’Éole, généreux fils d’Hippotas.
Et il allaient disant, se regardant les uns les autres :
« (…) Et voilà maintenant ce qu’Éole par amitié
lui a donné…Allons! Vite ! Voyons ce qu’il en est,
combien d’or et d’argent il y a dans cette outre ! »
Tels étaient leurs propos ; ce mauvais dessein l’emporta,
ils défirent le nœud, tous les vents sautèrent dehors,
l’ouragan vite déchaîné les rejeta au large,
tout en pleurs, loin de la partie. Moi cependant,
réveillé, je me demandais dans mon cœur sans reproche
si j’allais me jeter à l’eau pour y périr
ou subir en silence et rester avec les vivants.
Je restai, je subis, couché tête couverte
dans le bateau. Les vents maudits nous ramenaient
à l’île d’Éolie, et mes compagnons gémissaient.
Homère, Odyssée, X, 28-55,
trad. Philippe Jaccottet