Vigilance poétique
et petits émerveillements
avec
Belinda Cannone
Vigilance poétique : cette disposition intérieure « qui ouvre nos yeux, nos narines et nos oreilles a besoin d’une certaine lenteur, car dans l’agitation les écoutilles sont fermées ».
« Mais il faut apprendre à s’arrêter.
J’ai honte de confesser que pendant des années je ne me suis jamais promenée. Marcher, oui : j’allais régulièrement à la montagne faire de longues randonnées et y goûter la splendeur des paysages. Mais se promener, cheminer lentement, repasser par les mêmes sentiers tranquilles – jamais. Pas le temps. Quelle folie ! Quand j’ai appris à le faire, j’ai par exemple découvert cette chose toute simple : il faut réemprunter des chemins bien connus pour vraiment voir leur richesse. Parce que je passe régulièrement aux mêmes endroits, je peux apercevoir les minuscules mais exaltantes modifications qu’apporte le printemps ou l’automne aux haies, aux arbres, aux fleurs. Ainsi ai-je découvert que l’émerveillement ne naissait pas toujours de la nouveauté mais au contraire des variations dans le connu.
C’est un beau mouvement que l’émerveillement, car il nous relie. Je ne sais pourquoi, mais devant le spectacle émerveillant il est impossible de ne pas dire « Écoute ! », « Regarde ! » à qui nous accompagne, et la beauté nous semble plus belle d’être ainsi partagée.
Je vous souhaite un été de vigilance poétique et d’émerveillements modestes. »
Belinda Cannone, La vigilance poétique,
La chronique du samedi, Sud-Ouest 3 juillet 2021
Parfois le silence règne, nous sommes paisibles et concentrés, la lumière est belle et notre regard vigilant : alors l’émerveillement nous saisit.
D’où vient ce sentiment fugitif ? Il ne résulte pas forcément de la nature grandiose de la situation ou du spectacle. Souvent c’est un état intérieur favorable qui nous permet de percevoir une dimension secrète et poétique du monde.
Soudain on vit pleinement, ici et maintenant, dans le pur présent. Cette disposition intime est une conséquence du désir de vivre et de la faculté de joie.
Belinda Cannone, S’émerveiller, éd. Stock, 2017